Le Saint et Grand Concile

Pentecôte 2016

“Il les appela tous à l'unité”

En route vers le Concile

– Archevêque Job de Telmessos

  1. Bref rappel historique

L’encyclique patriarcale et synodale du Patriarche œcuménique Joachim III en 1902, par laquelle les Primats des Églises orthodoxes autocéphales furent appelés à collaborer pour affronter les problèmes qui se posaient à l’Église orthodoxe à l’époque fut l’étincelle qui lança la préparation d’un grand concile panorthodoxe. Le Patriarche œcuménique Photios II convoqua la réunion d’un comité inter-orthodoxe préparatoire en 1930 au monastère de Vatopedi au Mont Athos lors de laquelle fut établie une première liste de 17 sujets devant être traités parmi lesquels furent soulevées les relations inter-orthodoxes, les relations de l’Église orthodoxe avec les autres Églises et Confessions chrétiennes, la question du calendrier et diverses questions d’ordre disciplinaire. Ce concile s’avérait nécessaire suite aux changements profonds qu’avait connu l’Église orthodoxe à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle par l’apparition de nouvelles Églises autocéphales, et aux défis que lançait à l’Église le nouveau siècle, déjà bouleversé par la première guerre mondiale.

 

  1. La contribution du Patriarche œcuménique Athénagoras

C’est au Patriarche œcuménique Athénagoras que l’on doit d’avoir relancé l’idée de la convocation d’un concile après la seconde guerre mondiale, par deux lettres patriarcales adressées aux Primats des Églises orthodoxes patriarcales et autocéphales en 1951 et 1952. Cependant, ce n’est qu’en 1961 qu’a pu se réunir à Rhodes la première conférence panorthodoxe qui lança officiellement et définitivement le processus de préparation du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe. Cette conférence approuva une très longue liste de sujets devant être traités par le concile et qui étaient classifiés d’après les huit catégories suivantes: 1) Foi et dogme; 2) Culte divin; 3) Administration de l’Église; 4) Relations entre les Églises orthodoxes; 5) Relations des Églises orthodoxes avec le reste du monde chrétien; 6) Orthodoxie et le Monde; 7) Sujets théologiques (dont la question de l’économie versus acribie, de la relation de l’Église orthodoxe avec les autres religions, de l’euthanasie et de la crémation); 8) Problèmes sociaux (tels que la famille, la jeunesse, la discrimination).

Cette liste considérée comme trop ambitieuse fut restreinte à dix sujets par la première conférence préconciliaire panorthodoxe de Chambésy en 1976 qui préféra se concentrer sur trois grands domaines: les relations inter-orthodoxe, les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien et le témoignage de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain. Dès lors, dix sujets apparurent à l’ordre du jour du Saint et Grand Concile: 1) La question du calendrier; 2) Les empêchements au mariage; 3) L’adaptation des règles du jeûne aux conditions contemporaines; 4) Les relations de l’Église orthodoxe avec les autres Églises et Confessions chrétiennes; 5) Les relations de l’Église orthodoxe au mouvement œcuménique; 6) Les relations de l’Église orthodoxe au monde; 7) Le problème de la diaspora orthodoxe; 8) L’autocéphalie et la manière de la proclamer; 9) L’autonomie et la manière de la proclamer; 10) Les diptyques de l’Église orthodoxe.

 

  1. Le long et complexe processus de préparation du Concile

La première conférence préconciliaire panorthodoxe de Chambésy de 1976 a également établi un processus de préparation du Saint et Grand Concile. Un secrétariat pour la préparation du Saint et Grand Concile fut établi au Centre orthodoxe du Patriarcat œcuménique à Chambésy. Celui-ci devait recevoir les propositions de chaque Église orthodoxe patriarcale ou autocéphale relativement à chacun des dix thèmes établis et produire un rapport qui devait être ensuite examiné par un Comité préparatoire inter-orthodoxe convoqué par le Patriarche œcuménique qui devait se réunir autant de fois que nécessaire jusqu’à ce qu’un concessus soit atteint entre les différentes Églises orthodoxes patriarcales et autocéphales sur le sujet.

Le texte reflétant le consensus ainsi atteint était ensuite envoyé par le secrétariat au Saint Synode de chaque Église orthodoxe locale pour être ratifié, ou pour être de nouveau commenté. Les éventuels commentaires de chaque Église devaient être envoyés au secrétariat qui en tenait compte pour le texte final qui devait être discuté et adopté à l’unanimité par une Conférence panorthodoxe préconciliaire convoquée par le Patriarche œcuménique. Celle-ci consistait en la dernière étape pour l’élaboration des textes sur les différents sujets du Concile et qui devront être discutés et adoptés par le Concile. On comprend dès lors le long et complexe processus de préparation du Saint et Grand Concile qui reposait sur le principe de l’unanimité.

Dans cet esprit, la deuxième conférence préconciliaire panorthodoxe de Chambésy de 1982 adopta le texte sur la question des empêchements au mariage, de l’adaptation des règles du jeûne aux conditions contemporaines, de la question du calendrier (principalement de la date commune de la fête de Pâques, suite à un congrès d’astronomes et canonistes orthodoxes réunis préalablement à Chambésy). La troisième conférence préconciliaire panorthodoxe de Chambésy de 1986 adopta le texte sur « la contribution de l’Église orthodoxe à la réalisation de la paix, de la justice, de la liberté, de la fraternité et de l’amour entre les peuples, et l’élimination de la discrimination raciale et toute autre forme de discrimination », sur la relation de l’Église orthodoxe au mouvement œcuménique, sur la relation de l’Église orthodoxe avec le monde chrétien, et adopta un règlement des conférences préconcilaires préparatoires et des comités préparatoires inter-orthodoxes où toutes les décisions devaient être prises par consensus, à l’exception des questions procédurales qui devaient être prises par les deux tiers des chefs de délégations présents.

La quatrième conférence préconciliaire panorthodoxe de Chambésy de 2009 adopta le texte final sur la diaspora orthodoxe qui a ratifié les Assemblées épiscopales orthodoxes dans douze régions du monde : 1) Amérique du Nord et centrale, 2) Amérique du sud, 3) Australie – Nouvelle Zélande – Océanie, 4) Grande-Bretagne – Irlande, 5) France, 6) Belgique – Pays-Bas – Luxembourg, 7) Autriche, 8) Italie et Malte, 9) Suisse, 10) Allemagne, 11) Scandinavie, 12) Espagne et Portugal. La région d’Amérique du Nord et centrale fut par la suite divisée entre le Canada et les USA lors de la Synaxe des Primats de l’Église orthodoxe de 2014, alors que le Mexique fut rattaché à la région d’Amérique du Sud renommée Amérique latine. Cette conférence préconciliaire panorthodoxe adopta également le règlement de ces Assemblées épiscopales.

 

  1. Dernière ligne droite vers le Concile

Lors de la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes réunis à Constantinople au siège du Patriarcat œcuménique au Phanar en mars 2014, il fut décidé de convoquer une commission inter-orthodoxe spéciale pour la révision, l’élaboration ou la rédaction de quelques textes de la deuxième et troisième conférences panorthodoxes préconciliaires de 1982 et 1986. Par ailleurs, cette Synaxe des Primats des Églises orthodoxes a adopté la règle que toutes les décisions pendant les travaux du Concile seraient prises à l’unanimité sur le principe de consensus. Il y avait été décidé que le Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe serait convoqué par le Patriarche œcuménique à Constantinople en 2016, sauf événement imprévu. Le concile sera présidé comme cela est établi par le Patriarche œcuménique tandis que les Primats des autres Églises orthodoxes seront assis à sa droite et à sa gauche. Chaque Église enverra une délégation constituée du Primat et de 24 évêques.

La commission inter-orthodoxe spéciale s’est réunie au Centre orthodoxe du Patriarcat œcuménique à Chambésy en octobre 2014, en février 2015 et en mars-avril 2015, et a revu les textes sur la relation de l’Église orthodoxe au mouvement œcuménique, sur la relation de l’Église orthodoxe avec le monde chrétien et les a réuni en un seul intitulé «Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien». Par ailleurs, le texte sur « La contribution de l’Église orthodoxe à la réalisation de la paix, de la justice, de la liberté, de la fraternité et de l’amour entre les peuples, et l’élimination de la discrimination raciale et toute autre forme de discrimination » a lui aussi été revu et corrigé. Le texte sur les règles du jeûne n’a fait l’objet que de quelques corrections mineures d’ordre rédactionnel.

La cinquième conférence préconciliaire panorthodoxe de Chambésy d’octobre 2015 a approuvé le texte sur «L’autonomie et son mode de proclamation», élaboré en 2009 par la Commission préparatoire interorthodoxe. Elle a également examiné les projets de documents du Concile panorthodoxe révisés par la Commission interorthodoxe spéciale lors des réunions d’octobre 2014, février et mars-avril 2015. Les documents intitulés «Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien» et «l’importance du jeûne et de son observance aujourd’hui» ont été approuvés. Par contre, le document intitulé «La contribution de l’Église orthodoxe à la réalisation de la paix, de la justice, de la liberté, de la fraternité et de l’amour entre les peuples et à la suppression des discriminations raciales et autres» a été renommé «La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain» et n’a pu obtenir l’unanimité et de ce fait n’a pas été signé par les chefs des délégations des Églises de Russie et de Géorgie.

 

  1. La Synaxe des Primats de janvier 2016

Ainsi, parmi les dix thèmes à l’ordre du jour du Saint et Grand Concile, deux n’ont pu aboutir à un consensus lors des réunions des Commissions préparatoires interorthodoxes, malgré de nombreux efforts déployés. Il s’agit de la question de l’autocéphalie et de son mode de proclamation et de la question des dyptiques. La Synaxe des Primats des Églises orthodoxes réunis à Chambésy en janvier 2016 a donc décidé que ces deux sujets ne seront pas examinés par le Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe, mais le seront lors d’un autre concile ultérieur. Cette Synaxe a de même décidé d’enlever de l’ordre du jour la question du calendrier du fait que certaines Églises orthodoxes locales ont affirmé qu’elles ne désirent pas et ne sont pas prêtes pour une réforme calendaire. Par ailleurs, la Synaxe a retravaillé considérablement le texte sur les empêchements au mariage qui fut désormais intitulé: «Le sacrement du mariage et ses empêchements». Ce texte ne fut pas signé par les Églises d’Antioche et de Géorgie. L’Église d’Antioche n’a pas signé également les décisions de la Synaxe de janvier 2016. En tenant en compte que les deux textes sur la relation de l’Église orthodoxe au mouvement œcuménique et sur la relation de l’Église orthodoxe avec le monde chrétien avaient été réunis en un seul, il résulte que les six thèmes à l’ordre du jour du Concile approuvés par la Synaxe de 2016 avec les textes afférents sont:

  1. La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain;
  2. La diaspora orthodoxe;
  3. L’autonomie et la manière de la proclamer;
  4. Le sacrement du mariage et ses empêchements,
  5. L’importance du jeûne et son observance aujourd’hui;
  6. Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien.

Vu la situation politique difficile au Proche Orient, la Synaxe des Primats de janvier 2016 renonça à rassembler le Concile à Constantinople et décida finalement de convoquer le Saint et Grand Concile à l’Académie orthodoxe de Crète du 18 au 27 juin 2016. L’ouverture du Concile aura lieu après la Divine Liturgie de la fête de la Pentecôte, et la clôture – le dimanche de tous les saints, d’après le calendrier orthodoxe.

La Synaxe a également adopté le texte du Règlement d’organisation et de fonctionnement du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe. Ce texte ne fut pas signé par l’Église d’Antioche. D’après ce dernier, les délégations de chaque Église orthodoxe locale composées chacune de 24 évêques de cette Église, comme décidé à la Synaxe des Primats de 2014 «peuvent être accompagnées de conseillers spéciaux, ecclésiastiques, moines ou laïcs, mais le nombre de ceux-ci ne peut excéder normalement le nombre de six membres, ainsi que trois assistants pour chaque Église» (article 3). Les langues officielles du Concile seront le grec, le russe, le français et l’anglais, de même que l’arabe en tant que langue de travail (article 9). Par ailleurs, un secrétariat panorthodoxe du Concile fut établi, «composé d’un hiérarque de chaque délégation, ainsi que du secrétaire pour la préparation du Saint et Grand Concile qui supervise le travail du secrétariat» (article 6). Ces quinze évêques seront «assistés dans leur travail par des conseillers ad hoc, ecclésiastiques, moines ou laïcs, choisis parmi les conseillers des délégations des Églises orthodoxes locales. […] Ces conseillers ne peuvent excéder le nombre de deux par Église» (article 6). C’est ce secrétariat, qui sera mis en place à partir du mois de mars 2016, qui devra accréditer les journalistes qui seront présents à ce Concile (article 16). Ces journalistes, ainsi que les observateurs invités des autres Églises et Confessions chrétiennes, ainsi que ceux d’organisations chrétiennes, pourront assister aux sessions d’ouverture et de clôture du Concile, bien évidemment sans droit de parole et de vote (articles 14 et 16).

Ainsi donc s’achève le travail de longue haleine de la préparation du Concile qui aura duré quarante ans. Le mérite de sa méthodologie – la méthode du consensus (ou des décisions prises à l’unanimité), qui en aura été par ailleurs la principale difficulté, tient à assurer que le Saint et Grand Concile sera la manifestation de l’unité de l’Église orthodoxe, et non l’occasion de schismes ou de divisions. Pour cela les fidèles orthodoxes doivent prier que le Paraclet inspire et dirige les Pères du Concile. C’est la raison pour laquelle les Primats, réunis en Synaxe en janvier 2016 à Chambésy «invoquent humblement la grâce et la bénédiction de la Sainte Trinité et invitent ardemment à la prière le plérôme de l’Église, clergé et laïcs, durant la période menant au Saint et Grand Concile et durant celui-ci» (communiqué du 27 janvier 2016).